Pour moi, la peinture est une sorte de « brain-storming » où les choses finissent par se révéler d’elles-mêmes.
Il s’agit de faire proliférer le sens, de le laisser germer et s’épanouir jusqu’à ce que l’évidence s’impose.
Ce qui m’intéresse, c’est dévoiler un sens irraisonné qui naît de mon vécu, de ma volonté, de mes doutes, de mon involonté.
Puis il y a une mémoire, une émotion, qui émanent petit à petit du creuset d’inspiration qui est pour moi d’origine plastique et musicale… Je m’inspire d’un accord de couleurs glané au coin d’une rue, d’un mur chargé d’histoire, de l’émotion profonde qui me vient en écoutant un quatuor... C’est un tremplin pour sauter dans l’inconnu.
Un jour, j’ai eu envie de « charger » le haut du tableau, de suspendre des masses au-dessus du vide de la toile au-dessous. C’était un besoin pressant, une intuition. Ce n’est que plus tard que j’ai compris que je peignais sans doute l’infinie fragilité de l’être, la vie en suspens… des racines voyageant à travers le temps… des racines accrochées par hasard à une parcelle d’univers et finalement, la grande illusion mise à nu : l’absence de toute racine.
Parfois, un « arbre » naît sur la toile. Ce n’est pas volontairement un arbre mais il est là parce que ma pensée est structurée, en quelque sorte habitée par les arbres.
J’en reviens toujours d’une manière ou d’une autre à la nature. J’éprouve une soif, une nostalgie de cet univers qui est de moins en moins présent dans la vie moderne et qui m’est nécessaire. C’est à la fois une fuite en avant et le seul remède contre la laideur, la violence et la mort.
Je peins les paysages qui m’habitent et que personne ne peut altérer.
J’ai commencé un jour à travailler avec des panneaux, en diptyque, en triptyque, etc. Au départ, ce n’était qu’une influence venue de l’histoire de la peinture. Mais ils sont devenus pour moi des portes, des facettes, des possibilités... En faisant bouger les panneaux les uns par rapport aux autres quand je travaille, je dérange mes a priori.
Ce que j’aime dans la peinture abstraite, comme dans la musique, c’est que ni l’une ni l’autre n’a besoin de raconter, de représenter ou de prendre refuge dans la raison. Et pourtant tout est dit.
J'aime le mystère de la peinture et la pudeur du mystère.
Ce qui est merveilleux, c’est que de rien, un peu de pâte, naît un univers, une part de soi qui fera peut-être vibrer l'autre...
C’est une forme de résistance au monde matériel.
Diane de Cicco