Des paysages imaginaires
Diane de Cicco évolue dans les marges de l’art abstrait, à la limite entre un univers construit par des éléments organisés loin de tout référent objectif et des paysages parfois proches du réel. « […] Un "arbre" naît sur la toile. Ce n’est pas volontairement un arbre, » écrit-elle, « mais il est là parce que ma pensée est structurée, en quelque sorte habitée par les arbres. » Ce glissement vers le signifié offre au spectateur une entrée plus immédiate dans la pensée de l’artiste, mais l’objet, parce qu’il renvoie à une signification générique autant qu’à une projection affective propre à chaque individu, rétrécit le champ de la perception. Il faut revenir aux unités de la peinture pour en découvrir la signification profonde. Les indices du réel s’évanouissent alors devant l’émotion qui émane des paysages imaginaires. Ne restent plus que la lumière ou la pénombre, le chaud ou le froid, le calme ou la tempête, des sensations physiques et psychiques qui font vibrer les œuvres.
Venue à la peinture après avoir été chercheur en sciences, Diane de Cicco continue de chercher dans sa pratique artistique, mais autrement. L’intuition et le hasard y tiennent une plus grande place et pour elle, accepter le mystère du surgissement de l’image est un élément essentiel. Elle explore les lignes, les formes, les couleurs jusqu’à découvrir un sens dont l’évidence s’impose, mais ne requiert aucune preuve.
La couleur, tantôt froide et hivernale, tantôt ardente, joue souvent un rôle déterminant dans les compositions. Les traces des gestes sont très présentes : souvent larges, laissées par la brosse, ou plus diffuses, créées par des couleurs projetées ou coulées. Les mouvements sont amples, enlevés par le désir de transformer la matière et de lui trouver sa juste place dans l’espace. Une écriture nerveuse jaillit parfois, en contrepoint. Diane de Cicco aime peindre sur de grands formats, souvent verticaux, qui la contraignent à dépasser sa propre dimension. Il lui est important de sortir du cadre et prolonger les gestes sur une autre toile, se libérer du carcan de la toile en créant diptyques et triptyques, puis résoudre la contradiction entre séparer et assembler.
Les dernières œuvres sont plus aériennes, baignées de lumière et extensives. Créées parfois sur une toile brute apparente, elles dévoilent le support, le socle à partir duquel on s’est construit, et le laissent chanter comme une couleur.
« Je peins donc je suis » : cette phrase, qu’elle a inscrite dans l’œuvre Sextet, affirme l’acte de peindre comme une nécessité pour exister, une force extérieure qui s’impose à l’artiste. La peinture abstraite, comme la musique, est le langage qu’elle a privilégié, à l’abri des mots. Elle lui permet de (re)vivre une expérience intérieure en lui donnant une couleur, un mouvement, une texture, un sens poétique. C’est une quête de l’identité profonde qui pose l’éternelle question : « Qui suis-je ? »
Françoise Caille